L'autel vers l'Orient (Cal Ratzinger, Benoît XVI, Mgr Marini)

Publié le par Card. Ratzinger/Pape Benoît XVI

Orientation de l'autel (Cardinal Joseph Ratzinger)

"Les chrétiens ne prient pas en direction du Temple, mais en direction de l'Est: le soleil levant, qui triomphe de la nuit, symbolise le Christ ressuscité et les chrétiens y voient en même temps le signe de son retour. Dans son attitude de prière, le chrétien exprime son orientation vers le ressuscité, qui est le véritable point de référence de sa vie avec Dieu.

C'est pourquoi l'orientation vers l'Est est devenue, à travers les siècles, la loi fondamentale de la construction de l'église chrétienne.

Elle est l'expression de l'omniprésence de la force rassemblante du Seigneur, dont le royaume, comme celui du soleil levant, s'étend sur le monde entier.."

"Un chant nouveau pour le Seigneur" La Foi dans le Christ et la liturgie aujourd'hui.

(Chap. II. Desclée-Mame, Paris, 1995; p.119)

" La foi chrétienne apporta trois innovations à l'architecture intérieure de la synagogue, qui donnèrent son nouveau et véritable profil à la liturgie chrétienne.

La première: on ne tourne plus le regard vers Jérusalem; le Temple détruit n'est plus considéré comme le lieu de la présence terrestre de Dieu. Le Temple de pierre n'exprime plus l'espérance des chrétiens - son rideau est déchiré à jamais.

Le regard se tourne maintenant vers l'Orient, vers le soleil levant. Il ne s'agit pas de rendre un culte solaire, mais d'écouter le cosmos parler du Christ.

(…) Ce psaume (19/18), qui passe sans transition de la glorification de la Création à la louange de la Loi, a maintenant pour référence le Christ, le Logos éternel, le Verbe vivant né de la Vierge Marie, véritable lumière de l'histoire qui illumine désormais le monde entier. L'Orient prend symboliquement le relais du Temple de Jérusalem et le Christ, représenté par le soleil, devient le lieu de la shekinah , du trône du Dieu vivant (…)

La prière vers l'Est a été considérée par l'ancienne Eglise comme une tradition remontant aux apôtres. (…) L'"orientation" (oriens, en latin, signifie "est"; orientation veut dire direction vers l'Est) a plusieurs significations. Elle exprime la forme christologique de notre prière: en dirigeant notre regard vers l'Est, nous le tournons d'abord vers le Christ, point de rencontre de Dieu et de l'homme. Symboliser le Christ par le soleil levant, c'est également définir la christologie de façon eschatologique. Le soleil levant symbolise le Seigneur du second avènement, l'aube finale de l'histoire. Prier en direction de l'Est signifie donc aussi partir à la rencontre du Christ qui vient. Une liturgie tournée vers l'Est nous fait en quelque sorte entrer dans la procession de l'histoire, en marche vers le monde à venir, vers le ciel nouveau et la terre nouvelle, qui viennent à notre rencontre dans le Christ. Elle est prière d'espérance, prière sur la voie ouverte par l'incarnation, la crucifixion et la résurrection du Christ.(…)

La deuxième nouveauté du bâtiment de l'église chrétienne est un élément original, qui ne pouvait exister dans la synagogue. C'est l'autel, sur lequel est célébré le sacrifice eucharistique et qui se trouve dans l'abside, ou plus précisément adossé au mur oriental. De par sa position, l'autel tout à la fois désigne l'Orient et en fait partie. Dans la synagogue, la Tabernacle de la Parole dirigeait le regard vers Jérusalem; dans l'église, l'autel est le nouveau point focal de la liturgie, qui reprend sous une forme nouvelle, la signification du Temple. (…) L'autel est pour ainsi dire une ouverture dans le ciel; bien loin de fermer l'espace de l'église, il permet à la fois l'entrée de celui qui est l'Orient dans la communauté rassemblée et l'échappée de celle-ci hors de la prison de ce monde.(…)

La liturgie eucharistique proprement dite se déroule le regard tourné vers Jésus -elle est elle-même ce regard vers Lui. Dans l'Eglise primitive, la liturgie se déroule donc en deux lieux.

Le service de la Parole rassemble les fidèles autour de la bèma, l'estrade où se trouve la trône de l'Evangile, le siège de l'évêque et l'ambon d'où la parole est proclamée. Le sacrifice eucharistique, lui, se déroule dans l'abside, où les fidèles se tiennent debout autour de l'autel, tournés avec le célébrant vers l'Est, vers le Seigneur qui vient. (…)

L'esprit de la liturgie (éd. Ad solem, Genève, 2001, chap.II, p.57 à 61)

Cf aussi, pp.64 à 71, notamment: "La position du prêtre tourné vers le peuple a fait de l'assemblée priante une communauté refermée sur elle-même. Celle-ci n'est plus ouverte ni vers le monde à venir, ni vers le Ciel.

La prière en commun vers l'Est ne signifiait pas que la célébration se faisait en direction du mur ni que le prêtre tournait le dos au peuple - on n'accordait d'ailleurs pas tant d'importance au célébrant (…) Ils ne s'enfermaient pas dans un cercle, ne se regardaient pas l'un l'autre mais, peuple de Dieu en marche vers l'Orient, ils se tournaient ensemble vers le Christ qui vient à notre rencontre. (p.68)

Dans Lumière du monde, Benoît XVI, entretien avec Peter Seewald

(éd. Bayard, 2011, 270 pages pour l'édition française)

- La liturgie (à propos de Summorum pontificum du 7 juillet 2007 avec la forme ordinaire et la forme extraordinaire du rite romain):

"La liturgie est en vérité un processus par lequel on se laisse guider dans la grande foi et la grande prière de l'Eglise. C'est pour cette raison que les premiers chrétiens priaient vers l'Est, vers le soleil levant, le symbole du Christ qui revient. (Cf. aussi p. 233. Ndlr) Ils voulaient montrer ainsi que le monde entier va vers le Christ et qu'Il embrasse totalement ce monde. Ce lien avec le ciel et la terre est très important.

Ce n'est pas un hasard si les anciennes églises étaient construites de telle sorte que le soleil projette ses rayons dans la nef à un moment bien précis."

Mgr Guido Marini, Maître des cérémonies liturgiques pontificales du Pape Benoît XVI (depuis 2007)

"La prière tournée vers l'Orient est une tradition qui remonte aux origines même du christianisme. Que veut dire prière tournée vers l'Orient ? On entend par là l'orientation du cœur en direction du Christ, Celui par lequel nous tendons en tant qu'il est le Principe et la Fin de l'histoire. Le soleil se lève à l'Est et le soleil est le symbole du Christ, la lumière qui vient de l'Orient. (…)

La prière orientée, tournée vers le Seigneur, est l'expression caractéristique d'un authentique esprit liturgique.

(Cf. la préface de la messe: Elevons notre cœur. Nous le tournons vers le Seigneur)."

Mgr Marini cite le Cardinal Ratzinger, futur Benoît XVI, dans sa préface du premier volume de ses Œuvres complètes (sans autre référence): "L'idée qui veut que le prêtre et le peuple doivent se regarder dans la prière n'est apparue que dans la chrétienté moderne et se trouve complètement étrangère à l'Antiquité. Le prêtre et le peuple ne prient pas l'un vers l'autre mais vers l'unique Seigneur. Ils sont donc orientés, dans la prière, dans la même direction, vers l'Orient, un Orient entendu comme symbole cosmique du Seigneur qui vient, et, là où cela n'est pas possible, vers une image du Christ placé dans l'abside, vers une croix ou vers le ciel comme le Seigneur lui-même a fait dans la prière sacerdotale, le soir qui a précédé sa Passion (Jn 17,1)…"

(…) "C'est ainsi que l'on doit comprendre pourquoi il est encore aujourd'hui tout à fait légitime de célébrer la messe sur les anciens autels lorsque les caractéristiques architecturales et artistiques de nos églises le rendent possible. En cela aussi, le Saint Père nous donne l'exemple lorsqu'il célèbre l'eucharistie sur l'autel historique de la chapelle Sixtine lors de la fête du Baptême du Seigneur.

L'expression célébration face au peuple est entrée dans le langage courant. Si elle rend compte de la topographie des lieux et de ce que le prêtre, aujourd'hui, en raison de la position de l'autel, se trouve souvent face à l'assemblée, une telle expression est acceptable. Mais elle ne doit absolument pas être tolérée si elle reçoit un contenu théologique. La Messe est, en effet, d'un point de vue théologique, toujours tournée vers Dieu par le Christ Seigneur et ce serait une grave erreur d'imaginer que l'action sacrificielle soit principalement orientée vers la communauté. Une telle orientation, l'orientation vers le Seigneur, doit donc être au fondement de la participation de tous à la liturgie. Il est donc important qu'elle puisse être rendue visible dans la symbolique liturgique."

(La liturgie, mystère du salut, G. Marini, éd. Artège, Perpignan, 2010; préface de Mgr Centène, évêque de Vannes;

chap. II: L'orientation liturgique, pp. 29 à 36)

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