"Une seule chose est nécessaire..." (Luc 10, 42) - 16ème dimanche du T.A.-C

Publié le par Abbé C. Laffargue

Bulletin dominical du 21 juillet 2019 – 14ème année                     Mois du Précieux Sang                                  

16èmedimanche du Temps de l'Année liturgique (C)   

 

 

LES TEXTES DE LA MESSE

 

            Une seule chose est nécessaire...

            (Luc 10, 42 - Evangile)

 

 

            C'est l'épisode de Marthe et Marie avec Jésus qu'elles reçoivent. Nous sommes à Béthanie où elles habitent avec leur frère Lazare (Cf Jn 11, 1). Si l'on caricaturait, on pourrait dire que Marthe est l'activiste, tandis que Marie est la paisible, la contemplative. Pourtant, il fallait bien que quelqu'un prépare le repas, et il était commode pour Marie de profiter de l'hôte tandis que sa sœur avait toute la charge matérielle ! Cependant, le Seigneur ne critique pas l'activité de Marthe mais son agitation qui la rend agressive: Dis-lui donc de m'aider (Lc 10, 40).

Toutes les deux sont actives. Marthe, dans les matérielles (indispensables), Marie, dans les spirituelles. Les Pères de l'Eglise ont beaucoup commenté cette scène.

  Origène (185-253): "Le secret de l'amour sera saisi par celui qui s'adonne à l'action, à condition qu'il s'applique en même temps à la contemplation, à la doctrine et à l'action. Car il n'y a ni action ni contemplation valables l'une sans l'autre." (1)

  Saint Jean Chrysostome (Fin IVème s.): "Répondant à Marthe, le Seigneur ne blâme pas le travail ni l'action mais veut que l'on ne consacre pas aux choses matérielles le temps de l'instruction spirituelle. Il n'a pas l'intention de l'inviter à la paresse, mais de l'incliner vers l'écoute de la parole. Il ne prohibe pas l'hospitalité, mais enseigne qu'au temps de l'instruction, on ne doit pas s'occuper d'autre chose." (2)

  Saint Augustin (354-430): "Que mangeait-elle, Marie, que buvait-elle avidement ? J'ose dire: elle mangeait Celui-là même qu'elle écoutait. Si en effet elle mangeait la Vérité, le Christ n'a-t-il pas dit lui-même Je suis la Vérité ? Et il était mangé parce qu'il était pain: Je suis -dit-il - le pain descendu du ciel.(3)

Le Seigneur n'a-t-il pas lui-même rétorqué à Judas, furieux de voir la même Marie de Béthanie répandre un parfum très précieux sur ses pieds au lieu d'en donner le prix aux pauvres: Les pauvres, vous les avez toujours avec vous, mais moi, vous ne m'avez pas toujours ! (Jn 12, 8)

 

Dans le Traité de l'Amour de Dieu (Livre VI, chap. 8)(5)Saint François de Sales (1567-1622), fait un beau commentaire de cette scène: Voyez-la, je vous prie: elle est assise en une profonde tranquillité, elle ne dit mot, elle ne pleure point, elle ne sanglote point, elle ne soupire point, elle ne bouge point, elle ne prie point. Marthe, tout empressée, passe et repasse dans la petite salle; Marie n'y pense point. Et que fait-elle donc ? Elle ne fait rien, elle écoute. Et qu'est-ce à dire, elle écoute ? C'est-à-dire, elle est là comme un vaisseau d'honneur, à recevoir goutte à goutte la myrrhe de suavité que les lèvres de son Bien-aimé distillaient (cf. Cant. 5, 13) dans son cœur(…)."Marie a choisi la meilleure part, qui ne lui sera pas enlevée" (Lc 10, 42)Et quelle fut la partie ou la portion de Marie ? De demeurer en paix, en repos, en quiétude auprès de son doux Jésus.

 

   Une seule chose est nécessaire. Marie a choisi la meilleure part, elle ne lui sera pas enlevée (Lc 10, 42)

"La meilleure part. La part de Marthe est sans reproche - commente le bénédictin anglais Bède le Vénérable (735) - mais le Seigneur loue celle de Marie; car il ne dit pas qu'elle a choisi une bonne part, mais la meilleure, ce qui laisse entendre que la part de Marthe est bonne aussi. Et pourquoi la part de Marie est-elle la meilleure ? Il l'explique aussitôt: Elle ne lui sera pas enlevée. En effet, la vie active est enlevée avec le siècle présent; mais la vie contemplative commence ici-bas, et atteint sa perfection dans la patrie céleste. Car le feu de l'amour, qui commence ici-bas, devient encore plus ardent à la vue de Celui qu'il aime; et donc la vie contemplative, une fois disparu le siècle présent, se parfait dans la lumière.(4)

 

            Tout cela ne se fait pas sans souffrances et sans combats. Entre "la chair" et "l'esprit", entre les goûts et les devoirs, entre les exigences du monde et celles du Ciel...! 

Il y a les priorités, l'échelle des valeurs, mais le discernement n'est donné qu'à ceux qui le demandent. Et la Lumière est trouvée au pied de la croix de Jésus à laquelle nous associent nos propres croix. C'est là que se trouve la joie - aussi étonnant que cela puisse paraître - qu'évoque saint Paul dans la lettre aux chrétiens de Colosses (dans la Turquie actuelle, à l'ouest)quand il dit se réjouir des souffrances qu'il endure pour eux dans sa propre chair, eux qui sont "le corps du Christ qui est l'Eglise" (Col 1, 24 - IIème lecture).

Membres de son corps par le baptême, nous vivons et nous mourons avec Lui:Portant toujours avec nous dans notre corps la mort de Jésus, afin que la vie de Jésus soit elle aussi manifestée dans notre corps (2 Cor 4, 10). L'union à Dieu est essentielle, et cette union est rendue possible par la prière silencieuse, l'écoute du maître, aux pieds du Seigneur.

 

Quand Il vient, de multiples manières, quand Il se tient à notre porte, qu'Il frappe, "entendons-nous sa voix, ouvrons-nous la porte, Le laissons-nous entrer chez Lui pour qu'il prenne son repas avec nous et nous avec Lui" ? (Cf Apoc 3, 20)Il est venu chez Lui, et les siens ne l'ont pas reçu écrira l'apôtre saint Jean dans le prologue de son Evangile (Jn 1, 11).

 

Voyez Abraham assis à l'entrée de sa tente, aux chênes de Mambré... (6)

Le Seigneur apparut à Abraham assis à l'entrée de sa tente (Genèse 18, 1 - Ière lecture). Et il vit trois hommes. Soit il s'agit de Dieu, sous des traits humains, accompagné de deux anges; soit c'est une figure de la sainte Trinité. Mais Abraham ne s'y trompa pas et dès qu'il les vit, il courut à leur rencontre et se prosterna jusqu'à terre (v. 2). Quand on garde son cœur et son esprit près de Dieu, dans l'Espérance d'une ou de la rencontre, immédiatement on Le reconnaît quand Il vient ou intervient. Sinon, on discute, on ratiocine, et on passe à côté pour éviter tout tracas, tout devoir...

Il propose de l'eau pour le lavement des pieds, il prépare un repas à la hauteur de la qualité de ses hôtes: des galettes, un veau gras et tendre, du fromage blanc, du lait (Vv. 4-8)

Et comme il a été généreux, plein de foi et de désintéressement (il ne commence pas par quémander quelque chose comme nous le faisons nous-mêmes), Dieu lui annonce que sa femme Sara donnera naissance à un fils en sa vieillesse, le futur Isaac.

 

            A nous aussi d'être prêt à recevoir le Seigneur quand Il frappe à la porte de notre âme, de Lui ouvrir, de nous prosterner, de Le recevoir généreusement, de rester en Sa présence pour L'écouter, pour L'aimer, comme Marie de Béthanie.

 

            Heureux ceux qui ont entendu la Parole dans un cœur bon et généreux, qui la retiennent et portent du fruit par leur persévérance.

            (Refrain de l'Alleluia)

 

                                                                                   Abbé Christian LAFFARGUE.

 

 

(1) Fragment n°39 des homélies sur Saint Luc. (2) Homélie 44 sur Saint Jean. (3) Sermon 179, 4-6.  (4) Sur Luc III (Patrologie latine 92)

Ces citations et leurs références sont tirées de Bible chrétienne, II, 3èmeéd., éd. Anne Sigier, Québec (Canada), 1990, pp. 454-456.

(5) Titre de ce chapitre 8: Du repos de l'âme recueillie en son bien-aimé.                             (6) Qui ne pense à la fameuse icône de Roublev (XVème s.) ? (Galerie Tretyakov à Mosou)

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