"Les raisons de ne pas craindre l'Islam" du Père Samir Khalil Samir

Publié le par Abbé Laffargue

Livre recommandé

Les raisons de ne pas craindre l'Islam du Père Samir Khalil Samir, entretiens

éd. Presses de la Renaissance, Paris, 2007, 249 pages. Traduit de l'italien

Jésuite égyptien, né au Caire en 1938, études en France et aux Pays-Bas, vit à Beyrouth où il enseigne dans plusieurs facultés de l'université Saint Joseph et où il a fondé le Cedrac (Centre de documentation et de recherches arabes chrétiennes). Il enseigne aussi à l'Institut pontifical oriental de Rome et au Centre Sèvres à Paris.

Il a été visiting professor à l'université du Caire, à la Sophia university de Tokyo, à la Georgetown university de Washington, à l'université de Birmingham en Grande-Bretagne, aux universités de Graz en Autriche, de Béthléem en Palestine, de Turin et de Bari en Italie, et ailleurs. (…)

Il est l'auteur d'une quarantaine de volumes et d'un millier d'articles scientifiques sur l'islam et l'Orient chrétien. (p. 11)

Quelques extraits:

"Question: On dit en Occident que les mujahidin (combattants du jihad) ne sont pas de vrais musulmans, que l'islam signifie étymologiquement paix et tolérance, etc. Est-ce exact ?

Réponse: Le mot islam vient du verbe aslama qui veut dire "se soumettre" ou "s'abandonner à"; l'islam est donc l'acte de s'abandonner ou de se soumettre, sous-entendu à Dieu, mais ne signifie pas "se mettre en état de paix" (…). La violence est clairement présente dans la vie même de Mahomet (…) qui, lui-même, en tant que chef politique, a mené systématiquement ces razzias, les a organisées et a conquis de nombreuses tribus arabes l'une après l'autre. (…)

En définitive, la violence a fait partie de l'islam naissant. (…) Le problème est qu'aujourd'hui les groupes musulmans les plus aguerris continuent d'utiliser ce modèle et disent: "Nous devons nous aussi amener les non-musulmans à l'islam comme l'a fait le Prophète, par la guerre et la violence", et fondent ces affirmations sur certains versets du Coran."

(qu. 24, pp.55-57)

Versets abrogeants et versets abrogés dans le Coran.

"Les spécialistes musulmans sont unanimes pour distinguer les sourates de la période de La Mecque (610-622) de celles de Médine (622-632). Ils n'ont néanmoins pas réussi à établir unanimement, à l'intérieur de ces deux périodes, l'ordre exact de succession des sourates. Par exemple, en Egypte, conformément à une longue tradition qui remonte aux premiers commentateurs (…), est répandue l'opinion selon laquelle le verset dit de l'Epée a abrogé "plus de cent versets" autrement dit tous les versets "pacifiques". Ce verset dit: Après que les mois sacrés se seront écoulés, tuez les polythéistes, partout où vous les trouverez; capturez-les, assiégez-les et dressez-leur des embuscades. Mais s'ils se repentent, s'ils s'acquittent de lasalat (la prière rituelle), s'ils font la zakat (l'aumône rituelle), laissez-les libres. Dieu est celui qui pardonne, il est miséricordieux (IX, 5 et 29). Le problème est que, quelle que soit leur position, les musulmans n'ont jamais admis qu'un verset donné n'ait plus de valeur de nos jours. (…)

Il y a donc deux options distinctes dans le Coran: l'une agressive et l'autre pacifique, acceptables toutes deux. Il faudrait une autorité unanimement reconnue par les musulmans qui dirait: à présent, c'est seulement ce verset qui a de la valeur. Mais cela n'est pas fait. Cela veut dire que quand quelques fanatiques tuent des enfants, des femmes et des hommes au nom de l'islam pur et authentique, ou bien du Coran et de la tradition mahométane, personne ne peut leur répliquer: "Vous n'êtes pas des musulmans authentiques et vrais." Au mieux l'on peut affirmer: "Votre lecture de l'islam n'est pas la nôtre." Et c'est en cela que réside l'ambiguïté de l'islam, de son avènement à nos jours: la violence en fait partie, mais il est également permis de préférer la tolérance et vice-versa." (qu. 26, pp. 61-62)

L'objection des croisades et du colonialisme: question 27.

Le témoignage de l'archevêque de Smyrne (Turquie), Mgr G. Bernardini:

"Lors du synode pour l'Europe qui s'est tenu à Rome en octobre 1999, Mgr Bernardini a rapporté les déclarations d'un représentant musulman reconnu, prononcées au cours d'une rencontre officielle sur le dialogue islamo-chrétien:Grâce à vos lois démocratiques nous vous envahirons, grâce à nos lois religieuses nous vous dominerons. Bernardini a ajouté que les pétrodollars qui rentrent dans les caisses de l'Arabie Saoudite et d'autres gouvernements islamiques sont utilisés non pas pour créer des emplois dans les pays pauvres d'Afrique du Nord et du Proche-Orient, mais pour construire des mosquées et des centres culturels dans les pays chrétiens d'immigration islamique, y compris Rome. Comment ne pas voir en tout cela un programme évident d'expansion et de reconquête ? (qu. 67, p. 136)

L'appel à la prière diffusée par les minarets, l'habillement, les prières collectives publiques…

"Cela exprime un fort désir d'affirmer la présence islamique sur la scène publique, en dehors de la sphère privée et familiale et se situe dans la même logique. (…) Je pense à l'importance accordée à l'aspect extérieur: s'habiller d'une certaine façon, se recouvrir du hijab, avoir la barbe longue est beaucoup plus qu'une mode (comme on pourrait le croire en Europe) ou que le respect d'une tradition (comme c'est le cas de certaines populations d'Afrique ou d'Asie), cela souligne au contraire une identité qui est à la fois religieuse, culturelle et sociale. (…) Je me souviens que dans les années 1980 le gouvernement égyptien a interdit le port de la barbe car elle était considérée comme un symbole typique des Frères musulmans." (autres exemples) "Parmi les symboles, le plus important est bien sûr la mosquée, sa coupole et son minaret, souvent doté de haut-parleurs et d'autres équipements d'amplification du son pour diffuser la prière de la façon la plus vaste et précise possible: c'est une manière d'islamiser tout l'espace, auditif et visuel." (Cf questions 86 à 88" p. 138)

Le foulard islamique: question 69.

La mosquée, une église musulmane ?

"La mosquée n'est pas assimilable à une église musulmane, mais représente quelque chose de radicalement différent. Afin d'en saisir le sens et la fonction, on ne doit pas partir de la tradition chrétienne ou de la mentalité occidentale, mais de l'islam, de sa nature et de son histoire. (…)

La mosquée est le lieu où la communauté se rassemble pour aborder tout ce qui la concerne: la prière, mais aussi les questions sociales, culturelles, politiques. Toutes les décisions de la communauté sont prises dans cet endroit: vouloir le limiter à un lieu de prière équivaut donc à faire violence à la tradition musulmane."

(qu. 85, p.165)

"La considérer comme un lieu de culte est inexact et restrictif; de même que c'est un contresens, en parlant de la construction des mosquées, de le faire au nom de la liberté religieuse vu qu'elles ne sont pas seulement des édifices religieux mais des lieux qui ont aussi une fonction culturelle, sociale et politique. (…)

Les mosquées ont normalement un minaret d'où le muezzin lance un appel à la prière. Ils ont souvent revêtu dans l'Histoire une fonction symbolique d'affirmation de la présence musulmane (…) Au XXème siècle, des mégaphones et des haut-parleurs ont souvent été installés sur les minarets (surtout s'il y a une église ou un quartier chrétien dans les alentours), et les muezzin ont ajouté d'autres phrases à l'appel de la prière en le prolongeant dans la durée. (…)

Il est également opportun de se demander qui finance la construction et l'entretien des mosquées, selon le principe que "celui qui paye ordonne". Ce n'est un secret pour personne qu'une grande partie des mosquées et des centres islamiques en Europe sont financés par des gouvernements étrangers, notamment par celui de l'Arabie Saoudite, qui imposent également un imam de confiance. On sait bien que dans le monde islamique sunnite l'Arabie Saoudite représente la tendance la plus inflexible wahhabite. Je ne crois pas que ce sont ces imams qui pourront aider les immigrés à s'intégrer dans la société occidentale ni à assimiler la modernité, conditions nécessaires à une cohabitation sereine avec les populations autochtones. (qu. 86, pp. 166-167)

Question: Il y a certains aspects des deux religions d'où semblent émerger une analogie notable. Par exemple, la conception d'un Dieu commemiséricordieux, l'appartenance aux religions du Livre, la tradition commune de l'abrahamisme

Réponse: "Prenons par exemple la phrase Dieu est miséricordieux. Cela signifie pour le musulman que Dieu, étant le Puissant, peut se pencher vers l'homme avec miséricorde, ou refuser sa miséricorde à qui il veut. Mais c'est différent de la notion du Dieu miséricordieux que nous rencontrons dans l'Ancien Testament et plus encore dans le Nouveau, où la miséricorde de Dieu est comme celle d'un père ou d'une mère. (…) Cette conception est à la base de tout le Nouveau Testament, elle fait partie de l'essence de la foi et est le début de la prière commune: Notre Père. Et ce n'est pas un hasard si entre les quatre-vingt-dix-neuf noms de Dieu que la tradition islamique a tirés du Coran, l'appellation du Père n'apparaît pas, étant un attribut incompatible avec le Dieu coranique et nié par le Coran lui-même.

Vient également de la même racine arabe, les mots clément (rahman) etmiséricordieux (rahim) qui désigne le giron maternel. Cela signifie que la langue arabe elle-même aurait pu suggérer la notion "maternelle" de Dieu. Or, ce n'est pas le cas." (qu.102)

Religions du Livre: "L'expression gens du Livre est typiquement coranique. Le Coran désigne ainsi les juifs et les chrétiens. (…) Cette expression est ambiguë dans une perspective chrétienne car (…) elle signifie que, si pour les musulmans la révélation divine s'est fait connaître à l'humanité de façon définitive et accomplie dans le livre du Coran dont le contenu est descendu directement du Ciel, le christianisme ne peut être défini comme étant fondé sur un livre, même s'il est révélé, et ne peut être "réduit" aux Ecritures sacrées.

Le fondement du christianisme ne réside pas dans un livre mais dans un événement: l'incarnation de Dieu qui s'est fait homme dans la personne de Jésus-Christ. Le signe de la foi chrétienne est la croix par excellence, sur laquelle Jésus s'est sacrifié par amour de l'homme et pour le salut de l'humanité entière."

(qu. 103, pp. 206-207)

L'abrahamisme: "Quelques auteurs soulignent l'ambiguïté de cette évocation en soutenant qu'elle serait même assimilable à une homonymie (en note: Alain BESANCON, Trois tentations dans l'Eglise, éd. Calmann-Lévy Paris, 1996, pp. 174-176; et Antoine MOUSSALI, La croix et le croissant. Le christianisme face à l'islam, éd. de Paris, Paris, 1998, pp. 51-56) (…)

Il faut aussi observer que le christianisme et l'islam considèrent Abraham selon deux perspectives très différentes. Dans l'islam, Abraham est le témoin du monothéisme le plus radical, et il est, à l'instar des autres figures bibliques, le modèle de la soumission parfaite à Dieu. A l'inverse, la notion de promesse ou d'alliance faite à Abraham, ainsi que celle "de l'histoire du salut" commune au judaïsme et au christianisme, sont quasiment absentes de l'islam." (L'auteur cite ensuite le Concile Vatican II, Lumen gentium n°16 qu'il explique, et Nostra aetate n°3) (qu. 104, pp. 208 à 210)

L'expérience de la cohabitation de treize siècles entre chrétiens arabes et l'islam:

"Je veux souligner que, contrairement à ce que beaucoup pensent tant en Occident qu'en Orient, arabe n'est pas synonyme de "musulman". (…) Les expériences positives de rencontre et d'échange à un niveau personnel ont été nombreuses au cours des siècles: elles étaient surtout fondées sur le fait que les deux parties reconnaissaient la dimension transcendante de l'existence et l'absolu de certaines valeurs.

Mais la rencontre avec l'islam comme système socio-politique, consécutif à la politisation de la religion et à la tentation – toujours menaçante dans la tradition musulmane – de s'imposer, s'est avérée plus problématique. Tentation qui, elle, est issue de la conviction de posséder le monopole de la vérité, de la certitude d'avoir dans le Coran la révélation parfaite et définitive."(qu. 109, pp. 217-218)

ab. L.

N.B.: C'est nous qui avons souligné et mis en gras certains mots ou phrases.

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