La communion dans la main (2). Lettre aux prêtres.

Publié le par Abbé Laffargue

Cher confrère,


Je me permets de vous envoyer, ci-joint le passage de l'interview que le Secrétaire de la Congrégation pour le Culte divin et la Discipline des sacrements, Mgr Ranjith, a accordé à l'agence de presse Fides, concernant "la communion dans la main", le 11 novembre 2007.

Cette grave question, qui touche pourtant la Foi en la présence substantielle du Christ dans l'hostie consacrée et dans chacune de ses parcelles, était, jusque-là, taboue, inabordable. Depuis le Pape Paul VI, aucune personnalité ecclésiastique, à ce niveau hiérarchique, n'avait osé aborder publiquement ce sujet.

Pourtant, comme pour l'ancien Missel (et, à la suite: le latin et le grégorien, l'orientation de l'autel, etc.), on ne savait plus ce qui était abrogé ou autorisé, en particulier pour les novations souvent sujettes à caution.
La communion dans la main est un cas typique. Toujours au nom "du Concile", des réseaux bien constitués ont fait pression pour mettre en pratique des pratiques contraires, en fait, à ce que demandait l'Eglise, gardienne de la Foi. L'Instruction Memoriale Domini de la Congrégation pour le Culte divin du 29 mai 1969, approuvée par le Pape Paul VI (qui l'avait mandatée, après consultation des évêques du monde entier), avait statué que cette façon de distribuer la sainte Communion ("où le ministre lui-même dépose le pain consacré sur la langue du communiant" cf. n°7) doit être conservée, non seulement parce qu'elle a derrière elle une tradition multiséculaire, mais surtout parce qu'elle exprime la révérence des fidèles envers l'Eucharistie. (n°8). Ce n'est pas seulement une question de discipline, dit l'Instruction, mais cette nouvelle manière des distribuer la sainte communion comporte des dangers comme une moindre révérence envers le sacrement de l'autel, une profanation de ce sacrement ou une altération de la vraie doctrine (n°12). Si des Conférences épiscopales voulaient adopter ou régulariser légalement l'usage contraire de la Communion dans la main, elles devraient consulter leurs membres par vote secret et à la majorité des deux tiers. Puis ces consultations devaient être soumises au Saint-Siège pour en recevoir la nécessaire confirmation, accompagnées d'un exposé précis des causes qui les ont motivées… (n°18).
Cette même Congrégation (en collaboration avec la Doctrine de la Foi; cf. n°2, préambule) a très récemment abordé le sujet dans l'Instruction Redemptionis sacramentum "sur ce qui doit être observé et évité concernant la très sainte Eucharistie" (25 mars 2004) demandée par le Pape Jean-Paul II dans l'encyclique Ecclesia de Eucharistia (n°52). Dans le cas où le pauvre fidèle qui voulait recevoir la communion sur la langue (considéré souvent comme un marginal, un retardataire ou même un opposant aux "réformes conciliaires"), l'Instruction précise que Tout fidèle a toujours le droit de recevoir, selon son choix, la sainte communion dans la bouche (P.G.M.R. éd. 2000, n°161).
Elle précise aussi qu'un communiant qui désire communier dans la main le peut, dans les régions où la Conférence des Evêques le permet, avec la confirmation du Siège apostolique (n°92). Et elle ajoutait: Il faut maintenir l'usage du plateau pour la Communion des fidèles, afin d'éviter que la sainte hostie, ou quelque fragment, ne tombe à terre (P.G.M.R. n°118) (n°93).
Pression pour ne communier que dans la main, pression pour ne communier que debout en supprimant les bancs de communion ou les prie-dieu dont parle Mgr Ranjith, malgré les instructions de la P.G.M.R. au n°43 (et "Sacramentum caritatis" de Benoît XVI au n°65).
Pour revenir à la communion dans la main, il faudrait donc savoir, dans chaque pays concerné, si la Conférence nationale des évêques a consulté chacun d'entre eux dans les règles fixées par le Saint-Siège; si, dans le cas d'une demande des deux tiers, elle a demandé à la Congrégation pour le Culte divin et la discipline des sacrements l'autorisation d'autoriser les fidèles à communier dans la main et si celle-ci a répondu favorablement.
Quoiqu'il en soit, un évêque diocésain peut librement refuser d'appliquer cette autorisation "selon sa conscience et sa prudence pastorale" sans rompre pour autant la communion pastorale (cf lettres du Cardinal Bertone, du 7 oct. 1996; et du Cardinal Medina, du 17 janv. 1997, à Mgr Laise, évêque de San Luis en Argentine).
Cependant, la nouvelle manière de communier ne devra pas être imposée d'une manière qui exclurait l'usage traditionnel (Lettre du Cardinal-préfet B. Gut accompagnant l'instruction Memoriale Domini) (Doc. Cath. n°1544 du 20 juillet 1969). Or, qu'elle est la pratique partout répandue par les prêtres, les religieuses, les catéchistes depuis tant d'années…? On prépare les enfants à la première communion en leur montrant comment communier dans la main, debout, comme seule et unique façon de faire (avec tous les risques que l'on sait), sans même proposer la façon ordinaire et traditionnelle !

C'est nous qui consacrons le pain et le vin et qui sommes responsables du corps et du sang du Christ. De l'instant de la consécration jusqu'à leur consommation par les fidèles dont nous sommes les guides et les pasteurs. Il est remis entre nos mains et nous aurons à répondre du corps et du sang du Seigneur (cf. 1 Co 11, 27), de chaque parcelle; de l'éducation que nous aurons donné aux enfants et aux fidèles en général… Et si l'épreuve frappe tant d'Eglises régionales, de communautés et de congrégations dans les vocations sacerdotales et religieuses en particulier, n'est-ce pas, entre autres causes peut-être, parce que depuis près de quarante ans, elles boivent leur propre condamnation en ne discernant plus le Corps du Christ (ibid. v. 29) ?
Paroles fortes et terribles rappelées par un bien indigne serviteur qui les prononce en tremblant, mais qui à chaque fois que des mains se tendent, et sans rien laisser paraître (les fidèles n'ont fait que ce que leurs pasteurs leur ont dit de faire), se désole et souffre d'une telle inconséquence. Chaque cas particulier et chaque exception (de piété et de foi) confirmant la règle. Je connais bien des communautés où les membres, recevant la sainte hostie dans la main, l'avalent avec leur langue et lèchent leurs paumes pour qu'aucune parcelle n'y reste… Piété et foi certes, mais il serait tellement plus simple (et plus rapide d'ailleurs) de revenir à la pratique multiséculaire !

Laissant tout cela à votre méditation et à votre réflexion, je vous prie de me croire, cher confrère, votre dévoué en Notre-Seigneur et Notre-Dame


abbé Christian LAFFARGUE

En 1552, en Angleterre, le deuxième Prayer book de Cranmer rend obligatoire la communion dans la main (alors que le premier, de 1549, maintenait la communion à genoux et sur la langue). Martin Bucer, l'ex-dominicain allemand, y tenait beaucoup et, la même année, il convainquit Cranmer de remplacer les hosties par du pain ordinaire.
Cf. La réforme liturgique anglicane de Michael Davies (1936-2004, historien religieux britannique),éd. Clovis, 91 Etampes, 2004, pp. 70-73 et 235-239.

Publié dans Liturgie

Commenter cet article